Ne nous mentons pas: je ne parle pas coréen. Il est vrai qu'au cours des cinq dernières années, j'ai appris quelques expressions grâce à ma femme (elle s'appelle Elle, pour information), je peux "lire" -ou déchiffrer- le coréen (mais je ne comprends pas ce que je lis) et dire quelques choses fondamentales que seule Elle comprend . Les autres personnes ne semblent même pas se rendre compte que j'essaie de parler leur langue (pour paraphraser Mark Twain, il semble qu'ils ne comprennent même pas leur propre langue). Cinq mois après mon installation en Corée, je commence les cours de coréen, mais il faudra du temps, et beaucoup de temps, avant que je sois autonome sur le plan linguistique. Cela peut parfois être difficile ou problématique. L'autre jour, dans le métro, j'ai reçu un message d'avertissement sur mon téléphone. Les seuls mots que j'ai compris étaient "emergency alert". J'ai paniqué quelques secondes avant de remarquer que personne autour de moi ne semblait s'en soucier. Puis j'ai réussi à lire le mot important "masque" (마스크) et j'ai compris : ils nous avertissaient d'un pic de pollution, pas d'une guerre nucléaire ou d'un tsunami.
En dehors de cela, il y a beaucoup de choses dans ma vie quotidienne que je ne peux pas faire sans l'aide d'Elle (obtenir ma carte de résident, choisir un forfait téléphonique, ouvrir un compte bancaire, et ainsi de suite). Mais cela n'a pas vraiment d'importance, car je me suis rendu compte que l'on peut facilement survivre en Corée du Sud sans parler la langue. Beaucoup d'amis et de membres de ma famille me demandent comment je peux vivre ici quand je ne peux pas parler aux gens ou faire grand chose par moi-même. Tout d'abord, l'anglais aide beaucoup, ne le nions pas. Deuxièmement, les Coréens sont très bienveillants envers les étrangers comme moi, et je ne me suis jamais retrouvé dans une situation où il n'y avait personne pour m'aider. Parfois, les gens m'offrent même leur aide avant que je demande. La première fois que je suis allé à la piscine de Yangsan (dont je parlerai plus tard), Elle a dû venir avec moi parce que je ne savais pas où aller ni quoi faire. Mais bien sûr, elle ne pouvait pas être avec moi dans les vestiaires. À un moment donné, alors que j'essayais de comprendre la signification d'un panneau, un homme est venu me voir et m'a demandé "Can I help you?" Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. De plus, beaucoup de Coréens me disent "Hello" ou "Hi" dans la rue, certains me demandent même d'où je viens (quand je réponds en mauvais coréen que je viens de France, on me répond habituellement par une référence à Emmanuel Macron, Napoléon, ou Charles de Gaulle).
Pourtant, il arrive que certaines personnes m'ignorent parce que je ne parle manifestement pas coréen. Elle aime beaucoup quand quelqu'un qui distribue des tracts dans la rue nous évite pour éviter de me parler. Et il m'arrive très souvent de passer à la caisse du supermarché sans que la caissière ne dise un mot ou ne me regarde. C'est, semble-t-il, parce que beaucoup de Coréens ne peuvent pas, ou pensent qu'ils ne peuvent pas, parler anglais et la simple idée d'avoir à parler à un étranger en anglais les terrifie. Beaucoup de publicités télévisées pour les instituts anglais jouent sur cette peur, montrant des citoyens coréens transpirant à grosses gouttes quand ils doivent parler anglais. Jetez un coup d'œil à cette publicité :
La chanson (sur la mélodie de "Ring my Bell", par Anita Ward) dit "영어 마비". (yeong eo ma bi bi), qui signifie "paralysie anglaise". Et pourtant, si vous voulez mon avis, les Coréens ne sont pas aussi mauvais en anglais qu'ils ne le pensent, ou du moins pas pire que les Français, mais ça n'engage que moi. Bref, je ne parle pas coréen, tous les Coréens ne parlent pas anglais, mais j'ai Elle, les gens sont sympas, et on dirait que je vais me plaire ici !